Pour l’expérience

Madame Edwarda (1941) de Georges Bataille, Roberte, ce soir (1953) de Pierre Klossowski et Histoire d’O (1954) de Pauline Réage occupent une place importante parmi les écrits de leurs auteurs ainsi que dans l’histoire littéraire tout court (bien que ce ne soit pas forcément celle des manuels scolaires). Malgré leur caractère singulier, les ressemblances entre ces textes scandaleux sont frappantes. Tous les trois témoignent d’un penchant pour le mélange transgressif de la spiritualité la plus sophistiquée et d’une érotisme à caractère pornographique, d’élans quasi poétiques et d’une violence ahurissante, de choses réputées comme les plus nobles et de celles considérées comme les plus basses. Ce qu’ils ont aussi en commun, c’est, certainement, l’intérêt accordé à la question de l’expérience. En effet, sous diverses acceptions et incarnations, elle ne cesse de travailler la littérature et la pensée des auteurs. Qu’elle soit un des procédés permettant l’acquisition ou l’enseignement d’un certain savoir, un moyen d’appréhender ce qui excède les mots et avec eux le sujet pensant ou, finalement, qu’elle ressemble à une pierre de touche qui vérifie les capacités de la littérature, l’expérience est au cœur du jeu qu’ils y mettent en scène.